l'Icone de Pâques
L'Icone de la Résurrection - la victoire de la Vie
Christ est ressuscité des morts !
Par sa mort Il a vaincu la mort.
À ceux qui sont dans les tombeaux,
Il a donné la vie. ( ... )
Si l’image touche le cœur avant de toucher l’esprit, l’inverse est vrai pour les concepts (idées), qui s’adressent en premier à l’intellect. En fait, si la Crucifixion appartient au domaine de l’histoire humaine et se prête naturellement à une description artistique détaillée, la Résurrection y échappe pleinement. L’icône de la Résurrection n’a pas le but de nous donner des informations sur le moment précis de la Résurrection (que nous imaginons parfois comme une réanimation de Jésus mort), mais nous invite à contempler, dans la foi, le mystère plus sublime de la foi chrétienne : la victoire de la Vie sur la mort. La mort et le mal n’ont pas le dernier mot dans notre existence.
En Orient, l’icône vénérée à Pâques est celle de la Descente aux Enfers, aussi appelée icône de l’Anastasis, c’est-à-dire du « Relèvement » : car la victoire du Christ est une recréation, un nouveau commencement. Jésus victorieux descend à la rencontre d’Adam et Ève pour les emmener à sa suite dans son triomphe. Cette « descente » est avant tout une vérité d’ordre théologique, elle exprime le sens le plus profond du mystère de Pâques : Jésus n’est pas ressuscité pour lui-même, mais pour tous les hommes, symboliquement rassemblés dans les deux figures d’Adam et d’Ève.
L’icône montre le Christ, source de Vie, au milieu des morts. Le véritable Maître de la Vie est représenté dans la même lumière que dans l’icône de la Transfiguration. Cependant, il est ici en mouvement, car il agit, il accomplit l’œuvre du salut. Jaillissant, il brise les portes de l’enfer qui reposent désormais sous ses pieds. Jésus domine les forces du mal et saisit Adam et Ève pour les arracher vigoureusement de leurs tombeaux.
De sa main droite le Ressuscité saisit énergiquement la main tendue d'Adam. Ces deux mains scellées ensemble sont comme une greffe de l'humanité pécheresse sur l'arbre de Vie; elles sont le centre théologique de l'icône.
Au-dessus du Christ, 2 anges, les mains couvertes en signe de révérence, contemplent symétriquement la rédemption de l'humanité, par la résurrection du Fils. Leurs ailes, bleu foncé, la même couleur des profondeurs de l’hades, touchent les montagnes, signe que désormais la création toute entière redevient siège de l’Ineffable. C’est le toucher tendre du Créateur, exprimé par le fait que le Messie Ressuscité touche et guérit l’humanité entière.
Adam et Ève
L’icône de la Descente aux enfers devient en quelque sorte l’icône des retrouvailles de Dieu et de l’humanité. Le premier et le nouvel Adam sont pour la première fois face à face. Le lien est recréé entre Adam et la source de sa vie: la main créatrice de Dieu rattrape Adam dans sa chute jusque dans la mort. Le vieil Adam contemple son libérateur d’un regard joyeux, mais empreint de fatigue. Il tend aussi son autre main, morte, tombante mais restée libre, dans un mouvement de prière reconnaissante.
Ève, elle, tend aussi sa main libre vers son libérateur mais en la couvrant par respect pour la présence divine reconnue dans le Christ. Eve elle aussi accueille son Libérateur, le Fils de Marie, la Nouvelle Eve. La main gauche de la première femme est couverte par le tissu de son habit. La main gauche désigne le péché qu’elle a commis avec Adam, en mangeant du fruit défendu, péché de désobéissance qui l’a conduite à la mort, c’est-à-dire à la séparation d’avec Dieu. Le pêché d’Eve a été celui d’avoir voulu mettre la main sur Dieu, en mangeant du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, qui appartient à Dieu seul. C’est le « Noli me tangere » adressé par le Christ à Marie de Magdala dans le Jardin de la Résurrection. La main d’Eve est encore voilée, car le salut ouvre à une guérison de l’être qui s’accomplira dans le temps.
Pour les sauver de la mort, Jésus tire Adam et Eve par les poignets et non par les mains. Car c’est Lui qui vient au secours de nos premiers parents et les sauve. Ce ne sont pas Adam et Eve qui s’accrochent au Christ, c’est lui qui les prend avec lui, pour les faire vivre avec lui, dans sa gloire. Il leur est seulement demandé de se laisser sauver. En fait, le salut n’est pas le fruit des mérites et des efforts de l’homme. Adam est en habits terreux tirant sur le vert, et Eve en rouge, couleur du sang, d’une humanité vive qui attendait sa rédemption. Ils sont âgés car ils sont le vieil homme que le Christ va transformer en homme nouveau par l'Esprit Saint. La lumière du Christ va pénétrer jusqu'au fond de leurs ténèbres intérieures. Leurs mains touchées par le Ressuscité changent de couleur : elles reçoivent la couleur de la Résurrection.
Autres Personnages
L’ordre des personnages varie : ceux de l’Ancien Testament figurent le plus souvent à droite du Christ, les contemporains ou successeurs occupant la gauche.
Derrière Adam une tête couronnée : c’est David, l’ancêtre du Christ. Fondateur de la ville sainte de Jérusalem, c’est lui qui chante dans le Psaume 130 : " Des profondeurs je crie vers toi, écoute mon appel. Son fils, Salomon construira le Temple de Jérusalem, premier lieu de la présence de Dieu parmi son peuple, qui préfigurera le Temple futur qui contiendra la présence de Dieu : Jésus lui-même.
A côté de David - figure Jean-Baptiste, dit le Précurseur, car annonciateur de la venue du Sauveur sur terre et qui reconnaît le Christ comme Agneau de Dieu et dirige vers lui la foule des morts, comme s’il disait encore une fois: « Voici Celui qui enlève le péché du monde ».
Derrière Eve se pressent des personnages non identifiés, sans auréole. On peut imaginer qu’ils représentent ou les apôtres ou les membres de l’Eglise que nous sommes, et qui sont les témoins de la résurrection et qui se réjouissent, avec toute la création de cette œuvre de salut accomplie par le Christ pour toute l’humanité, faisant de tous les hommes des créations nouvelles en lui.
En fait, la Résurrection est avant tout un évènement de la foi. Nous aujourd’hui, en 2017, on n’est pas des chrétiens « second hand ». Comme les témoins de la Résurrection ont dû y croire, nous aussi, nous sommes appelés à nous approprier la même foi, car « la foi vient de ce qu’on entend ».
Tous ces personnages témoins du salut donné à Adam et Ève, font de la scène un événement d’Église.
Grotte ouverte
Le Maître de la Vie a rejoint les morts pour les ramener avec lui auprès du Père. C’est la divinisation : entrer dans la communion avec Dieu. Entrer dans la danse des noces de l’Agneau.
Au-dessus de lui, la grotte est ouverte pour montrer que le passage vers les cieux est désormais libre. En effet, Jésus est lui-même entouré du cercle de la mandorle, symbole de la gloire éternelle de Dieu, comme à la Transfiguration. Mais à l’intérieur de la mandorle, il entraîne Adam et Ève pour les faire pénétrer dans ce cercle divin, dans cette spirale. Les premiers êtres humains se mettent en mouvement pour l’y rejoindre.
Dans l’icône de l’Anastasis, le contraste entre les rochers et la cavité ténébreuse invite à une dernière comparaison : le bas de l’icône représente l’enfer comme une sorte de trou noir. Il faut évidemment faire le rapprochement avec deux autres icônes : celle de la Nativité et celle de la Théophanie ou Baptême du Seigneur. Dans l’icône de la Nativité, Jésus, emmailloté et couché dans une mangeoire qui a tout d’un tombeau, se détache sur un fond noir qui préfigure l’obscurité de la mort dans laquelle il devra s’enfoncer. L’icône du baptême montre généralement un Jourdain très particulier. Ce n’est pas une rivière qui traverserait l’icône de part en part, mais une sorte de grotte, de caverne emplie d’eau, à l’intérieur de laquelle semble se tenir le Christ. Ces eaux dans lesquelles entre le Christ lors de son baptême sont appelées «tombeau liquide» L’icône de la Crucifixion représente enfin au pied de la Croix une grotte avec un crâne. L’évangéliste Luc relate en effet que le Christ fut crucifié " au lieu dit du crâne " (Lc 23, 33). L’eau et le sang qui s’écoulent du flanc du Nouvel Adam, symboles de l’eau régénératrice du baptême et du sang de la Nouvelle Alliance qu’est l’eucharistie, arrosent le crâne du premier homme. Lien évocateur avec l’icône de la Descente aux Enfers où le Nouvel Adam relève le premier.
Victoire de la Vie sur la mort
Il est impossible de dire si le Christ monte ou descend : il semble presque rebondir, prêt à remonter au plus haut des cieux accompagné de ceux qu’il est venu chercher : en premier lieu Adam, dont il saisit la main gauche, et Ève, à sa gauche, les mains tendues vers lui dans un geste à la fois d’adoration et d’imploration. Cette remontée est perceptible par la main qui relève et par la courbe des jambes conférant une sorte d’impulsion au reste du corps
La Mort est vaincue, enchainée, sous la croix des portes du Hadès, les serrures, les cadenas, les clous dispersés signifient que tout reste désormais ouvert : « Tout est rempli de lumière, le ciel, la terre et même l’enfer » (Matines de Pâques). Le mot « porte » symbolise la capacité que possède la mort d’enfermer quelqu’un comme dans une prison, de retenir celui qui est parti, dans la demeure de la mort. Les portes du hadès ne prévaudront pas contre l’Eglise, la mort ne pourra pas l’emprisonner. Non praevalebunt. En fait, le Christ et son Eglise ne seront jamais vaincus par ces portes infernales, car c’est le Christ qui les a brisées.
Le Ressuscité se profile au centre d’un jeu de trois ou parfois quatre cercles concentriques qui dans la forme de la mandorle, symbolisant le corps de gloire, la transparence consécutive à la pneumatisation qu’est la pénétration par l’Esprit Saint. Chaque cercle prend une coloration plus sombre en allant vers le centre d’un bleu généralement très foncé : passage de la lumière physique à la lumière spirituelle !
Transfiguration à l’envers, l’icône de la Descente aux Enfers renvoie à celle de la Transfiguration. La même lumière enveloppe le Christ, parfois les mêmes cercles aux couleurs dégradées en guise de mandorle.
L’icône frappe par le flux de lumière qui s’en dégage. Le Nouvel Adam inondé de lumière, saisit vigoureusement par le poignet le premier Adam qu’il ressuscite. Ce relèvement – du mot grec Anastasis qui donne son nom à l’icône – concerne l’humanité entière. C’est chaque homme que le Ressuscité relève, donnant à chacun la possibilité de recevoir l’Esprit et de devenir fils adoptif du Père. Cette apparition fulgurante et cette explosion de la Vie modifient le " statisme " des personnages ramenés à la vie.
L’icône est remplie de lumière, de mouvement, de vie. Elle suscite l’espérance en nous montrant le Christ qui nous tire hors de la mort pour nous faire entrer dans sa propre lumière. Le Christ va au plus profond de nous-mêmes, nous libérer des chaînes de nos refus d'amour, de notre angoisse ténébreuse, de nos passions aliénantes, de nos peurs, pour restaurer en nous Sa Ressemblance, nous réveiller, remettre debout ( = ressusciter) et nous donner accès à la Vraie Vie qui est éternelle.
C’est aussi un icône trinitaire : en accomplissant le plan salvifique du Père, le Fils incarné rompt les barrières de la nature humaine, partageant la lumière du Consolateur à ceux qui étaient dans les tombeaux : « Zoi harisamenos », non pas la « bios », une simple manière de vivre, terrestre, humaine, mais « zoi », la plénitude d’une vie divinisé, dans laquelle Jésus n’est pas un mort réanimé, mais la Vie dans sa plènitude, qui ne peut pas mourir. Les 2 anges au-dessus du Christ nous renvoient à la Trinité d’André Rublev : une Triade rendu parfaite avec le Ressuscité qu’ils contemplent.
En les sauvant, Jésus réunit l’homme et la femme, séparés par le péché et la mort. Il les tient unis. C’est ce qu’il réalise dans le sacrement de mariage. A ce titre, cette icône est aussi une icône du sacrement de mariage, qui est le sacrement du salut pour l’amour humain entre l’homme et la femme. C’est donc le salut par le Christ de chacun, homme ou femme, et le salut du couple qui y est manifesté.
Christ est ressuscité !
Par sa Vie Il a vaincu la mort !