Voyage du Pape en Arménie
Les mots du Pape François dans le livre des visiteurs du Mémorial du Génocide. Erevan le 25 Juin 2016 :
« C’est avec une grande douleur au cœur que je suis ici pour me souvenir de ce crime, parce que les nations de la terre n’ont pas toujours su distinguer le bien du mal, le bon du mal.
Que Dieu accorde la paix aux Arméniens et préserve la mémoire du cher peuple arménien. Que cette mémoire ne soit jamais effacée, au nom de l’avenir et de la paix ».
Totalité des interventions du Pape :
Textes des interventions du Catholicos
Allocution de sa sainteté karékine II, à l’occasion de la liturgie d’accueil de sa sainteté le pape François de Rome (Saint Etchmiadzine, 24 Juin 2016)
Votre Sainteté, cher frère en Christ, Nous rendons grâce et glorifions Dieu de pouvoir, aujourd’hui, en cette sainte cathédrale où est descendu le Fils unique, accueillir d’un salut fraternel et par un temps de prière Votre Sainteté et la délégation qui vous accompagne.
Nous sommes sensible au fait que vous ayez répondu positivement à notre invitation et accepté de venir en Arménie et au Saint-Siège d’Etchmiadzine.
Cet antique sanctuaire est le témoin mystérieux de la sainte alliance qui lie notre peuple au Seigneur. En ce lieu sacré, est descendu Jésus- Christ et, de sa sainte dextre, il a fondé Saint Etchmiadzine, le « Saint des saints » pour tous les Arméniens.
Par la miséricorde divine et par la vision du second Illuminateur des Arméniens, le saint patriarche Grégoire, l’égal aux apôtres, et grâce à ses efforts inlassables, les lumières allumées dans le cœur des fils et filles de notre nation par la prédication des saints apôtres Thaddée et Barthélémy ont été ravivées.
Depuis ce jour, la lumière qui rayonne depuis saint Etchmiadzine unit notre peuple autour de l’Ararat sur lequel repose l’arche, au cœur de sa patrie, autour de ses valeurs et de son histoire.
Nous sommes heureux qu’aujourd’hui, en ce sanctuaire, nous soyons unis, nous qui sommes les titulaires des sièges de Saint Pierre et des Saints Apôtres Thaddée et Barthélémy pour prier et demander la paix pour nos fidèles et pour le monde entier, un esprit raffermi de charité et de fraternité et une coopération fructueuse entre nous.
En cet instant précis, nous nous souvenons chaleureusement de la visite en Arménie en 2001 du saint Pape Jean-Paul II à l’occasion du 1700ème anniversaire de l’adoption du christianisme comme religion d’Etat. C’était la première visite d’un titulaire du siège de saint Pierre dans notre pays. Elle constitua un véritable aiguillon pour la coopération fraternelle qui unit nos Eglises.
Vous avez, vous aussi, apporté une importante contribution au renforcement des relations fraternelles de nos Eglises en manifestant avec chaleur, à diverses périodes de votre ministère, un attachement tout particulier à notre peuple et à l’Eglise d’Arménie.
La visite de votre Sainteté est un nouveau témoignage de la fraternité et de la coopération qui lient nos Eglises et qui renforcent réciproquement les fidèles arméniens apostoliques et catholiques et nous rendent un peu plus optimistes sur le fait que nos témoignages de foi forgés par la charité chrétienne vont se manifester de manière plus éclatante.
Les fils et filles de notre peuple se souviennent avec reconnaissance de la messe solennelle que vous avez célébrée en la basilique saint Pierre du Vatican en souvenir des victimes du Génocide des Arméniens et votre allocution qui condamnait le Génocide.
Nous remercions Dieu car ici, aujourd’hui, avec votre Sainteté, avec les fidèles de l’Eglise catholique, avec de très nombreux fils et filles du peuple arménien venus de divers pays à l’occasion de votre visite, à l’unisson avec notre peuple d’Arménie, nous allons pouvoir prier et demander l’intercession des martyrs du Génocide des Arméniens qui ont été récemment sanctifiés. Leur sang n’a pas été versé pour témoigner de notre seule foi, mais de celle de l’ensemble du monde chrétien. C’est ce que dit saint Paul lorsqu’il affirme « Et tout cela, c’est pour vous, afin que la grâce, plus largement répandue dans un plus grand nombre, fasse abonder l’action de grâce pour la gloire de Dieu (Deuxième lettre de Paul aux Corinthiens, 4- 15).
Après avoir subi les dévastations provoquées par le Génocide et les années d’athéisme de la période soviétique, notre Eglise vit une période de réveil spirituel dans le cadre de notre Etat souverain. Elle peut aujourd’hui poursuivre au sein de notre peuple la mission que lui avait confié le Seigneur. Notre Eglise participe également à la vie œcuménique, pleinement convaincue que plus que jamais, alors que les crises spirituelles, politiques, économiques et humanitaires ne cessent de s’amplifier, la prière commune et la coopération des Eglises sœurs au nom de la mission de la sainte Eglise du Christ, de la préservation des valeurs spirituelles et morales, de l’approfondissement de l’amour du prochain, doivent être privilégiées afin de garantir dans le monde les bons fruits que sont le droit à la sûreté et à une existence décente.
Je prie le Christ pour l’inébranlabilité et la splendeur de l’Eglise, pour l’affermissement de l’esprit d’amour et de concorde que le Seigneur nous a légué et le renforcement de la paix dans le monde. Je souhaite à votre Sainteté le soutien du Seigneur, de nombreuses années d’une bonne santé, un ministère fructueux pour la splendeur de L’Eglise catholique romaine et pour la consolation de ses fidèles.
Vous êtes le bienvenu en ce pays biblique d’Arménie et au Saint-Siège d’Etchmiadzine.
Que la miséricorde de notre Seigneur et Sauveur le Christ Jésus, ses grâces et sa bénédiction soient sur nous et sur tous. Amen.
Allocution de sa sainteté karékine II (25 juin 2016, place de la République à Erevan)
« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». (Evangile selon saint Mathieu, 5,9)
Votre Sainteté et cher frère en Christ, Votre excellence Monsieur le Président de la République d’Arménie, Chers frères dans le ministère sacerdotal, Chers fidèles,
Nous sommes aujourd’hui rassemblés à Erevan, au cœur de notre capitale, sous le regard sacré de l’Ararat biblique, pour ce temps de prière commune, glorifiant le saint nom de Dieu de nos lèvres. Avec notre frère le Pape François, nous élevons notre supplique vers les cieux, auprès du Christ, depuis ce pays de Noé d’où le Seigneur fit briller l’arc-en-ciel symbole de paix, pour demander l’établissement de la paix dans le monde, une vie sûre et prospère pour l’humanité toute entière.
C’est avec émotion que nous constatons que sur cette place sont également unis à notre prière des personnes qui ont souffert de la guerre, du terrorisme, de l’oppression, des réfugiés venus d’Azerbaïdjan, mais aussi de Syrie et d’Irak, et qui espèrent de Dieu des jours de paix pour leurs terres ancestrales.
En vérité, il y a une décennie et demie, nous accueillions avec espoir l’entrée dans le troisième millénaire, espérant qu’elle permettrait dans l’histoire de l’humanité l’établissement d’une période de coexistence et de concorde entre les nations. Mais, notre réalité quotidienne ne fait que nous livrer son lot de nouvelles abominables: de nouveaux actes de terrorisme, de nouvelles guerres, d’indicibles souffrances, des existences mutilées, des pertes irréversibles. En maints endroits du monde, des femmes, des personnes âgées, des enfants, des adolescents appartenant à divers peuples, à diverses religions ou confessions, sont victimes d’armes meurtrières, d’actes de violence, ou sont contraints à prendre le chemin de l’exil pour s’assurer, au prix de terrifiantes épreuves, une existence plus sûre.
Il y a très exactement un siècle, à la suite du Génocide, alors qu’il pleurait un million et demi de victimes innocentes et venait de perdre la plus grande partie de sa patrie, notre peuple a emprunté ce même chemin, dans les conditions les plus extrêmes. Il a dû lutter pour son droit à l’existence.
Aujourd’hui aussi, notre peuple connaît des conditions de vie difficiles du fait d’une guerre qui ne dit pas son nom. Il défend au prix fort la paix sur ses frontières et le droit de notre peuple du Karabakh à vivre libre dans sa patrie.
En avril dernier, face aux désirs de paix de notre peuple, enfreignant le cessez-le-feu, l’Azerbaïdjan a violé les frontières de la République du Haut Karabakh par des actions militaires. Des localités arméniennes ont été bombardées et anéanties, des soldats qui défendaient la paix a été tués, ainsi que des enfants en âge scolaire. De paisibles habitants désarmés ont été torturés.
Dans le même temps, notre peuple connaît aussi la douleur causée par les pertes et les destructions qui se poursuivent au Proche-Orient, les terribles actes de terrorisme qui ont eu lieu dans plusieurs grandes villes d’Europe, en Russie, aux Etats-Unis d’Amérique, dans divers pays d’Asie et d’Afrique, la destruction impitoyable du patrimoine spirituel et culturel des régions en guerre. Nombre de sanctuaires ont été profanés. Nombre de monuments ont été détruits en Syrie, en Irak, en Orient, en Afrique. D’innombrables khatchkars ont été réduits en poussière en Azerbaïdjan. Sous ces décombres, se trouvent également les valeurs et les sentiments des hommes qui sont de la même manière réduits en ruines.
Face à ces situations, le rôle des Eglises chrétiennes et des responsables religieux ne peut se limiter à une aide aux victimes, à des paroles consolatrices ou à l’expression d’une exigence pastorale.
Dans cette quête pour la paix, nous devons être plus efficaces, coordonner nos efforts afin de prévenir le mal. Grace à la collaboration entre les diverses confessions et religions, nous devons renforcer dans nos sociétés l’esprit de charité, de concorde et de coopération, au nom de l’instauration d’une vie de paix et de prospérité, conformément au commandement divin « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Matthieu, 5, 9).
Votre sainteté, Votre ministère de service exprime de manière éclatante votre total engagement en faveur de la paix dans le monde et du message divin invitant à la concorde entre les nations. La messe que vous avez célébrée l’an dernier en la basilique saint Pierre au Vatican en souvenir de nos innocents martyrs à l’occasion du 100ème anniversaire du Génocide des Arméniens, est l’un des témoignages de votre dévouement. Vous avez ainsi réaffirmé la nécessité de restaurer la justice en précisant que « là où il n’y a plus de mémoire, cela signifie que le mal tient encore la blessure ouverte … c’est comme laisser une blessure continuer à saigner sans la panser ! »
Durant l’année qui vient de s’écouler, mus. par ces mêmes principes, de nouveaux Etats et de nouvelles organisations ont également solennellement condamné le Génocide des Arméniens, comme, ces jours derniers, l’Allemagne qui était l’alliée de la Turquie lors de la Première Guerre mondiale. Notre peuple est reconnaissant envers tous ceux qui proclament et défendent la justice. Il attend de la Turquie qu’écoutant la voix de votre Sainteté et les appels de nombreux Etats et organismes internationaux, elle trouve le courage de faire face à l’histoire, qu’elle mette fin à l’inique blocus de l’Arménie, qu’elle renonce à son soutien aux tentatives militaires de l’Azerbaïdjan contre le droit du peuple du Karabakh à vivre libre et en paix.
En vérité, la paix ne pourra être réalisée sans que justice soit faite. Les vies humaines ne peuvent être l’objet de marchandages, elles ne peuvent être méprisées, bafouées. Et, comme le proclamait l’apôtre « Dieu ne fait point acception de personnes, mais en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable » (Actes, 10, 34-35). Seule la Justice, pierre de fondement du droit des personnes et des peuples, peut constituer un solide fondement pour la prévention des crimes contre l’humanité et la voie la plus réaliste pour une solution définitive des conflits.
Nous supplions ardemment Dieu pour la réalisation de cet objectif, afin qu’il entende nos prières et, que par l’abondante effusion des grâces du Saint Esprit, il récompense par de bons fruits l’amour fraternel et la coopération de nos Eglises. Que dans sa miséricorde, notre Seigneur libère le monde des ravages occasionnés par le Malin et qu’il lui accorde paix et sécurité. Enfin, que conformément à la prophétie « de leurs épées ils forgent des socs de charrues, et de leurs lances, des serpes: une nation ne lèvera pas l'épée contre une autre nation, et on n'apprendra plus la guerre » Isaïe II, 4).
Le cœur empli de cette joie spirituelle, fruit de cette rencontre que dans sa bonté le Seigneur nous a accordée, nous invitons la Grâce et la Paix de notre Seigneur et Sauveur sur nous tous et vous convions, cher frère, à délivrer votre message et à accorder votre bénédiction empreinte d’amour aux milliers de croyants assemblés sur cette place.
Allocution de sa Sainteté Karékine II, sur la place Vardanants (Gumri 25 juin 2016)
« Je vous donne un commandement nouveau :Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, Vous aussi, aimez-vous les uns les autres ». Saint Jean, 13. 35
Votre Sainteté, Chers frères en Christ, Chers fidèles. Aujourd’hui, alors que notre Eglise fête les disciples de notre Seigneur, c’est avec un plus grand retentissement et de manière plus agréable encore que résonne en nous ce message que le Seigneur a adressé à ses disciples.
Cher frère en Christ, C’est animé par ce même commandement divin d’amour et de sentiments chaleureux que nous vous souhaitons la bienvenue à Gumri au nom de tous les fidèles de la région. C’est une joie que de prier avec vous, à l’occasion de cette messe célébrée par le grand ami de l’Eglise et du peuple arménien que vous êtes.
Gumri est l’une des cités historiques de l’Arménie où les valeurs multiséculaires du christianisme arménien se sont développées, où se sont amalgamés l’histoire, la culture, le sens de l’hospitalité de notre peuple.
Les gens de Gumri se distinguent par leur foi profonde et leur grand attachement à l’Eglise. Ils sont aussi porteurs des plus belles traditions de cohabitation harmonieuse et fraternelle des Eglises chrétiennes. En témoignent aujourd’hui les fidèles des Eglises apostolique et catholique arméniennes, ainsi que des autres confessions chrétiennes rassemblées en cette place pour prier.
Durant la période marquée par l’athéisme soviétique, alors que les églises étaient fermées et détruites, et que, par la seule grâce de la résistance opiniâtre de notre pieu peuple, ne subsistaient plus que la Cathédrale du Saint-Siège d’Etchmiadzine et quelques rares églises, l’église de la Très sainte Mère de Dieu – dite des « Sept plaies » [Yothverk]- ouvrait largement ses bras maternels pour devenir le sanctuaire accueillant tous les chrétiens des villes et des villages peuplés d’arméniens du Nord du pays et des régions frontalières de Géorgie, indépendamment de leur appartenance nationale ou confessionnelle, qu’ils soient Arméniens apostoliques, Catholiques ou Orthodoxes.
Le porche nord de l’église fut alors transformé en lieu de culte pour les fidèles catholiques. On y installa, elle s’y trouve encore, une statue du Christ crucifié, une sculpture typique de la tradition catholique transportée depuis l’église catholique du village d’Arévig. Le porche sud fut confié aux Orthodoxes. On y éleva dans la partie la plus en vue une icône russe dédiée à saint Nicolas le Thaumaturge. De la sorte, Gumri et l’église de la Très sainte mère de Dieu, devinrent, des années avant que l’œcuménisme ne soit théorisé, les serviteurs et les promoteurs d’un « œcuménisme pratique ».
Cher Frère en Christ, La cité chaleureuse et hospitalière dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui a aussi été marquée du sceau de la souffrance. Au début du 20ème siècle, lorsque notre peuple affrontait l’épreuve du Génocide, Gumri souffrit également lourdement de la furie assassine et des invasions ottomanes. De nos jours encore, elle se trouve face à cette frontière tenue fermée, tel un témoin du Génocide perpétré il y a cent ans et de la politique de négation qui continue d’être pratiquée jusqu’à nos jours.
Les fils et filles de notre peuple firent également face avec foi et courage à la catastrophe du séisme de 1988. A cette occasion, par votre intermédiaire, je voudrais adresser nos remerciements à l’Eglise catholique qui, dans ces jours de grande adversité, a aussi tendu une main fraternelle aux victimes du séisme au nom du message biblique qui nous invite à « Veiller les uns sur les autres, pour nous encourager à la charité et aux bonnes œuvres » (Hébreux 10. 23-24).
Aujourd’hui encore, à Gumri, nos fidèles continuent d’affronter de nombreux problèmes, mais ils participent néanmoins avec dévouement à l’œuvre de développement de leur ville dont l’église catholique bâtie ces dernières années et les deux églises anciennes récemment restaurées qui dominent cette place sont les symboles de la résurrection.
Chers fidèles, En remerciant le Seigneur pour ce jour de grâce et pour la prière partagée ici, à Gumri, avec notre frère le Pape François, je vous adresse mon conseil et mon souhait de vous voir toujours témoigner dans la charité, la foi et l’espérance dans ce monde du message du Christ Jésus « Je vous donne un commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres » (Saint Jean, 13. 34).
Je vous souhaite de continuer, avec l’aide du Seigneur, de faire croître et fructifier le service de vos communautés votre ministère pastoral, votre collaboration fraternelle.
Ces vœux ainsi que l’affirmation de notre estime et nos bénédictions vont également aux autorités de la ville et de la région de Gumri, à nos fidèles fils et filles du diocèse du Chirag, à son primat, l’évêque Mikael Atchabahian et à ses religieux, aux ecclésiastiques de la communauté arménienne catholique avec à leur tête leur primat, l’archevêque Raphaël Minassian.
Par l’intercession des disciples du Seigneur et de tous les martyrs, je prie le Seigneur tout puissant pour qu’il accorde la paix du monde, une existence sûre et digne pour tous les hommes et la splendeur de l’Eglise du Christ.
Votre sainteté, Cher frère en Christ, Votre visite à Gumri renouvelle la vie spirituelle des fidèles de la région du Chirag et on l’évoquera toujours à l’avenir avec amour et chaleur.
D’un cœur joyeux, nous pouvons à nouveau affirmer que votre visite est un nouveau témoignage des bonnes relations entre nos Eglises.
Que le Seigneur garde inébranlable notre fraternité et qu’il rende plus féconde encore la coopération entre nos Eglises, maintenant et toujours. Amen.
Homélie lors de la Divine liturgie célébrée au Saint- Siège d’Etchmiadzine (Saint Etchmiadzine le 26 Juin 2016)
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Amen.
« Quand il sortit de la barque, il vit une grande foule, et fut ému de compassion pour elle, et il guérit les malades ».
Votre Sainteté et cher frère en Christ, Votre Excellence Monsieur le Président de la République d’Arménie, Chers frères dans le sacerdoce,Chers fidèles,
Ces jours sont des jours de glorification de Dieu à Saint Etchmiadzine, dans un climat de grande joie spirituelle et de prière partagée.
Aujourd’hui, nous sommes rassemblés pour cette divine liturgie célébrée en ayant à nos côtés et partageant notre prière, sa Sainteté le Souverain Pontife de Rome, notre frère affectionné, le Pape François.
Il est symbolique qu’à l’occasion de cette célébration nous ayons eu à lire ce passage des Evangiles relatant l’épisode de la multiplication des pains. L’Evangéliste rapporte comment Jésus s’était isolé, et comment, ayant appris cela, la foule s’était mise à sa recherche. Lorsque le Seigneur vit cette foule assemblée, il l’a prit en pitié et accepta de guérir ses malades. Le soir venu, ses disciples lui demandèrent de renvoyer la foule afin qu’elle cherche de la nourriture. Le Christ leur demanda alors de les nourrir. Les victuailles étant peu abondantes, le Seigneur les bénit et, par un miracle, le pain qui avait abondé suffit pour que les apôtres nourrissent le peuple présent.
Ce miracle constitue un mystère puisqu’il nourrit de la Grâce divine les âmes de ceux qui sont affamés, tout en répondant par un acte concret de charité aux besoins de ceux qui sont matériellement démunis. Cet élément devint par la suite une des diaconies majeures de la mission de la sainte Eglise du Christ.
Ainsi, le Seigneur invite ses disciples à rendre leur foi opérante grâce leurs œuvres, à développer, en même temps que la prière et la vie liturgique, la miséricorde et une charité active, à porter leur attention sur ceux qui sont dans le besoin et les difficultés pour, comme le dit saint Paul, devenir « ouvriers avec Dieu » (I Corinthiens, 3,9).
Imitant le Seigneur, de nombreux Pères de l’Eglise, des bienheureux Patriarches, de bons et courageux pasteurs, d’innombrables témoins de la foi, ont, en prophètes inspirés, rempli les pages de l’histoire de l’Eglise du Christ par leurs prédications, par de grandes œuvres au service de leur prochain, afin que les hommes grandissent dans leur foi et qu’ils témoignent par leurs œuvres de la présence de Dieu dans l’histoire des hommes.
La foi en Dieu est aujourd’hui contestée, remise en cause. Les âmes des hommes sont endurcies par les difficultés et les problèmes des uns , par la richesse et l’opulence des autres, en particulier lorsque ceux-ci vivent coupés de ceux qui sont affamés ou dans des difficultés et des souffrances. La foi est également remise en cause par des idéologies extrémistes, du fait de « haine de l’autre », du fait des égarements, des scandales et des intérêts personnels.
Le processus de sécularisation qui ne cesse de s’accélérer ébranle les conceptions et nos valeurs spirituelles et morales. Il menace la structure familiale instituée par Dieu. Tenter de bâtir un monde sans Dieu, dénaturer ses commandements et les lois instituées par lui, voici l’origine des maux de la vie moderne. Ils sont la cause des bouleversements économiques, politiques, sociaux et écologiques, et des autres problèmes de toutes natures qui, en prospérant chaque jour un peu plus, menacent le cours naturel de l’existence de l’humanité.
Mais le monde continue malgré tout d’être l’objet des attentions et de l’amour de Dieu. Le Seigneur continue de nous dire « Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif » (Saint Jean, 6, 35).
Celui qui a goûté au doux enseignement du Seigneur sait se fait humble pour relever celui qui a chuté, pour augmenter la foi et l’espérance dans le cœur des hommes, pour prolonger ce geste de la multiplication des pains en soutenant les nécessiteux et en consolant les malades et les affligés. C’est en appliquant ces préceptes, dons de Dieu, en faisant vivre ces valeurs spirituelles et morales, que le Bien se renforcera dans le monde et que nous répondrons aux défis actuels. Toute bonne œuvre reflète l’attention de Dieu pour le genre humain et la Création. Selon la parole de notre Seigneur « ce royaume est à l’intérieur, en vous » (Saint Luc 16, 21). Et c’est à l’avènement de ce royaume que participent toutes les Eglises par leur service.
Très chers fidèles, Ces jours derniers, en compagnie de notre frère le Pape François, par nos visites et nos prières communes, nous avons une nouvelle fois prouvé que la Sainte Eglise du Christ est UNE par son œuvre d’évangélisation, par sa volonté de préserver la Création, dans sa recherche de la résolution des problèmes qui se posent à toute l’humanité, par la mission salvatrice de l’homme qui constitue la gloire et le couronnement de la Création.
Le raffermissement de la concorde, de la fraternité et de la coopération entre les peuples et les nations constitue une part inaliénable la mission de l’Eglise du Christ. La présence à cette célébration des représentants des minorités nationales de l’Arménie: Assyriens, Biélorusses, Grecs, Géorgiens, Juifs, Yézidis, Kurdes, Allemands, Polonais, Russes et Ukrainiens qui, tous, vivent dans une cohabitation fraternelle et apportent aux côtés de notre nation leur contribution au renforcement de notre pays et aux progrès de notre société, en est le témoignage.
Ce jour de grâce est pour nous source de satisfaction puisqu’il nous permet d’exprimer une nouvelle fois notre reconnaissance au Pape François à l’occasion de sa visite fraternelle.
Cher frère, à l’unisson avec notre peuple, nous ne cesserons de prier pour vous afin de soutenir vos efforts pour le bien des hommes et pour la paix, pour la splendeur de la sainte Eglise du Christ. Que le Seigneur vous conserve toujours plein de cette même énergie. Qu’il vous bénisse et vous garde toujours dans cet esprit d’unité, d’amour et de coopération en vous accordant de nouvelles occasions de témoigner de vos sentiments fraternels. Dans vos prières quotidiennes, souvenez vous du peuple arménien, de l’Arménie et de l’Eglise arménienne, du Saint-Siège d’Etchmiadzine.
D’un cœur priant, nous demandons au Seigneur le soutien et la protection de sa sainte Dextre toute protectrice pour ceux qui vivent dans la guerre, ceux qui sont victimes de la terreur, de la faim, de la pauvreté ou dans le malheur.
Nous demandons au Seigneur ses grâces abondantes pour nos vies et pour le monde entier. Amen.